Paroles de Laurent Reynaud – Priorité au collectif
BÂTIR LE COLLECTIF : UNE MISSION NÉCESSAIRE POUR L’ÉCOLE ?
Laurent Reynaud, professeur des SVT au Lycée Jacques Feyder d’Epinay-sur-Seine (octobre 2020)
Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots – Martin Luther King
Qui d’entre nous n’aspire pas à progresser dans son développement personnel ? Pour y parvenir, il serait tentant de céder à la démarche intuitive de se recentrer sur soi, or ce serait oublier ce qui fait l’essence même de notre espèce : l’interdépendance sociale. Celle-ci repose en partie sur l’interdépendance affective et économique mais aussi sur les déterminismes sociaux qui façonnent l’individu. Il ne peut donc pas y avoir de développement personnel sans les autres.
Il est alors raisonnable d’envisager l’hypothèse selon laquelle nous serions actuellement solidaires par nature, et suite à notre cheminement sociétal. La solidarité ne serait donc plus une option mais bien un fait établi [1]. Dès lors, la question n’est plus de savoir si nous sommes solidaires ou non, mais elle s’affine, et se focalise, sur l’usage que nous faisons de cette solidarité pour rassembler plus largement. En effet, les individus dans un groupe guerrier ou un groupe de harceleurs sont, sans nul doute, solidaires entre eux, mais cette solidarité clanique reste réservée et sélective L’enjeu serait donc de construire la solidarité dans un projet d’universalité, au risque sinon de la sacrifier au
communautarisme. Il devient alors nécessaire de délibérer collectivement pour acter ce que nous faisons de cette solidarité en visant le bien commun, et ainsi la rendre toujours plus grande.
Cette finalité d’une solidarité globale peut être clairement établie, ce qui l’est moins en revanche, ce sont les modalités nécessaires pour y parvenir. La mise en œuvre de la solidarité est donc un chantier et l’émergence du collectif en est son matériau de base. Façonner le collectif, c’est donner sens à ce qui fait le groupe et ainsi tisser les objectifs de notre solidarité effective.
L’école est le terreau de cette tâche indispensable pour deux raisons. Tout d’abord, l’école se doit d’organiser le collectif, car elle forme le citoyen de demain qui se retrouvera dans le “vivre ensemble” de la société. Ensuite, car l’apprentissage ne peut tout simplement pas s’envisager sans les autres, le collectif classe est une communauté qui partage et met en confrontation les savoirs pour favoriser l’apprentissage de l’individu. L’écueil est souvent de croire que l’organisation du collectif est un apprentissage « en plus des programmes » alors qu’il est inhérent à l’acte même d’apprendre.
[1] Nouvelle petite philosophie d’Albert Jacquard